Vers une loi contre la discrimination des enfants à la restauration scolaire

« L’inscription à la cantine, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon la situation familiale, les revenus ou la situation géographique. » Annoncée par la députée socialiste Michèle Delaunay en septembre 2011 et déposée à l’Assemblée Nationale le 7 février 2012 au nom du groupe socialiste et radical, la proposition de loi « instaurant un droit à la restauration scolaire »affirme en deux courts articles le principe de non-discrimination des enfants. Une seconde proposition de loi « visant à garantir l’accès de tous les enfants à la restauration scolaire », déposée au Sénat le 25 mai 2012 à l’initiative du groupe communiste, dispose que « lorsqu’un système de restauration scolaire est mis en place, l’inscription et l’accès à celui-ci doit être effectif pour tous les enfants scolarisés dont les parents en font la demande, sur le lieu de la scolarisation de l’enfant et pour tous les repas de midi des jours scolaires. » Ces textes seront débattus en commission avant d’être présentés en séance.

De la reconnaissance législative de la jurisprudence

Le texte déposé à l’Assemblée Nationale vise à donner une reconnaissance législative au principe d’égalité des enfants devant le service public de la restauration, dans ses contours définis par la jurisprudence administrative. « Malgré une jurisprudence constante du juge administratif au cours des deux dernières décennies, précise le projet de loi dans son exposé des motifs, les atteintes au principe d’égalité des usagers de la restauration scolaire se poursuivent année après année. C’est pourquoi il est du rôle du législateur d’inscrire clairement dans la loi les principes posés clairement par le juge. » Affirmant que « la restauration scolaire doit être considérée comme un enjeu sanitaire majeur, l’équilibre alimentaire et la variété des menus étant une priorité», les signataires entendent ainsi faire de la restauration « un véritable objectif de politique publique ». Retirant aux communes récalcitrantes l’argument des contraintes financières par la prévision d’un financement, les députés souhaitent avec ce texte faire cesser les discriminations illégales des enfants, que les nombreuses décisions de justice n’ont pas été suffisantes à éradiquer.

… Au droit d’accès pour tous les enfants

Partant du constat des interdictions d’accès à la cantine des enfants de chômeurs constatées ces dernières années (Thonon-les-Bains, Bordeaux, Nice, Meaux, etc.), les sénateurs à l’origine du second projet de loi entendent dénoncer le comportement de certaines communes. « Si la situation financière des collectivités a évidemment été rendue complexe par la réforme des collectivités territoriales, expliquent-ils, ces communes effectuent véritablement un arbitrage budgétaire consistant à sacrifier le service public en limitant son accès à un certain nombre, plutôt que d’adapter et d’agrandir des structures souvent obsolètes afin de tenir compte de l’augmentation de la fréquentation des cantines scolaires. En outre, cela permet à ces mairies d’économiser sur le dos de ces familles qui, sur la base du quotient familial, bénéficient de tarifs préférentiels pour accéder à ce service public, en raison de leur situation socio-économique fragile. » La proposition de loi va au-delà de la jurisprudence en affirmant un accès « effectif pour tous les enfants scolarisés dont les parents en font la demande » alors que certaines discriminations, fondées sur « une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service », sont jusqu’ici admises. Le Tribunal de Versailles a ainsi déjà reconnu la légalité de restriction d’accès aux « enfants présentant une allergie alimentaire médicalement constatée », « compte tenu, tant de la variété des allergies d’origine alimentaire et de leurs conséquences possibles sur la santé des enfants que des conditions de fonctionnement d’un service de restauration collective ».

Une mesure financée par une majoration de la DGF

L’interdiction législative de la discrimination des enfants pour l’accès à la restauration scolaire, selon la situation de leurs parents ou leur situation géographique, ou le droit d’accès « effectif » à ce service public périscolaire peut représenter une charge pour les communes. En effet, soit parce qu’elles ont refusé d’investir à hauteur des besoins des familles, soit parce qu’elles font face à des difficultés objectives (locaux, etc.) pour accueillir tous les enfants, certaines communes vont devoir adapter leurs services si une loi était adoptée. Pour faire face à ces situations locales, les propositions de loi prévoient, dans les mêmes termes, que « les charges qui pourraient résulter pour les communes de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement ».
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