La jurisprudence relative aux discriminations des enfants à la restauration scolaire est assez abondante. Un arrêt, que l’on pourrait qualifier de fondateur, est en particulier à mentionner : L’arrêt Oullins du Conseil d’État du 23 octobre 2009 (référé). Du nom de cette commune du Rhône qui a eu le triste privilège de se faire remarquer pour sa discrimination illégale des enfants…
L’affaire Oullins
Dans cette commune, la mairie avait réglementé l’accès à la restauration scolaire en donnant la priorité aux enfants dont les deux parents travaillent. Ces enfants avaient ainsi un accès, tous les jours, à la cantine. À défaut d’avoir des parents qui travaillent tous les deux, les enfants ne pouvaient bénéficier de la restauration qu’un jour par semaine et ce, dans la limite des places disponibles (il pouvait donc y avoir des semaines à… zéro jour de cantine). La discrimination était toutefois légèrement adoucie par la commune avec la reconnaissance d’ «urgence ponctuelle dûment justifiée ».
Le Tribunal administratif de Lyon était saisi en référé par la FCPE du Rhône et une maman d’une demande en suspension de la réglementation municipale. Le tribunal ayant refusé la suspension, les requérant ont formé un pourvoi en cassation auprès du Conseil d’État.
L’arrêt du Conseil d’État
Dans son arrêt du 23 octobre 2009, la haute juridiction a jugé que « cette délibération interdit illégalement l’accès au service public de la restauration scolaire à une partie des enfants scolarisés, en retenant au surplus un critère de discrimination sans rapport avec l’objet du service public en cause ».
Ce principe avait déjà été reconnu par des Tribunaux administratifs. Le Tribunal administratif de Versailles a ainsi, par une décision du 16 novembre 1993, jugé que « l’accès des élèves à la cantine scolaire ne peut être subordonné à la production par les parents d’une attestation patronale de leur lieu de travail car un tel document n’est pas nécessaire à la bonne marche du service et porte atteinte au principe d’égalité des usagers en introduisant une discrimination entre les enfants suivant que leurs parents ont un emploi salarié ou non. »
Le Tribunal administratif de Marseille avait également jugé illégale la discrimination selon la situation professionnelle des parents. Dans une décision du 25 novembre 1995, il affirmait que « l’accès des élèves à la cantine scolaire ne peut être subordonné à la production par les parents d’une attestation patronale de leur lieu de travail, car un tel document n’est pas nécessaire à la bonne marche du service et porte atteinte au principe d’égalité des usagers en introduisant une discrimination entre les enfants, suivant que leurs parents ont un emploi salarié ou non ».
Le Conseil d’État, par sa position de juridiction suprême de l’ordre administratif, donne naturellement une tout autre valeur à la reconnaissance de ce principe, qu’il consacre pleinement.
À noter que, pour l’affaire d’Oullins, c’est le juge des référés du Conseil d’État qui était amené à se prononcer. C’est à dire en tant que juge de l’urgence et non en en tant que juge du fond. Comme l’invitait l’article L521-2 du Code de justice administrative, la juridiction se limitait ainsi à rechercher « un doute sérieux quant à la légalité de la décision » et non son illégalité.
Cependant, les termes utilisés par le Conseil d’État ne laissent guère de doute sur l’issue d’un jugement au fond.
Toutes les discriminations interdites ?
Il convient d’être prudent. La restauration scolaire étant un service public périscolaire sous responsabilité de la commune et non obligatoire, il est possible que des problèmes de capacité d’accueil se posent (le dimensionnement des structures est aussi de la responsabilité de la commune).
Si un principe général « d’égalité des usagers devant le service public » s’impose, celui-ci n’interdit pas toute discrimination. Dans son arrêt Oullins, le Conseil d’État constate que le critère retenu par la commune est « sans rapport avec l’objet du service public en cause », laissant la porte ouverte à d’autres critères. Ainsi, des considérations d’intérêt général liées au fonctionnement même du service public pourraient être admises par le juge. En revanche, une discrimination des enfants selon la situation professionnelle de leurs parents serait illégale.
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